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Pédiatrie

Publié le 14 jan 2025Lecture 8 min

Sport et pathologies ostéo-articulaires chez l’enfant et l’adolescent

Reda KABBAJ, service de chirurgie orthopédique et réparatrice de l’enfant, Groupe AP-HP, Sorbonne Université, hôpital Armand Trousseau, Paris

La pratique des activités sportives chez les enfants et les adolescents est vivement recommandée. Le consensus international est d’une heure par jour. Cela permet de stimuler le système musculosquelettique en croissance. A contrario, une pratique excessive peut déclencher des troubles de l’appareil locomoteur et engendrer des pathologies ostéo-articulaires.

Quelles sont les principales pathologies ?   En dehors du risque accidentogène lié à la pratique sportive (fracture, luxation, entorse, etc.), les jeunes sportifs s’exposent à des pathologies osseuses et articulaires purement pédiatriques, proches des zones de croissance, telles que les ostéochondroses, ostéochondrites ou à distance, telles que les lésions d’hypersollicitation type fracture de fatigue. Les ostéochondroses de croissance peuvent être articulaires, physaires et extraphysaires selon la classification de Sifert. L’origine microtraumatique à répétition explique les phénomènes inflammatoires autour de ces zones de croissance. L’origine ischémique est évoquée devant les pathologies dites ostéochondrite primitive par défaut de vascularisation du noyau d’ossification. En fonction des localisations les plus fréquentes, nous distinguons : – le bassin ; – le genou ; – le pied ; – la dystrophie vertébrale, spondylolisthésis ; – le membre supérieur ; – les fractures de fatigue. Le bassin   La plus fréquente correspond au décollement de l’épine iliaque antéro-inférieure (EIAI) (figure 1) par mécanisme de flexion contrariée de la hanche ou lors d’un effort de saut et d’impulsion. Il s’agit d’une zone d’ossification secondaire et d’insertion du tendon droit antérieur. Douloureux à la phase aiguë, le décollement se manifeste par une boiterie d’esquive avec limitation de la mobilité de la hanche. La radiographie est suffisante pour confirmer le diagnostic, l’échographie montre un décollement du noyau d’ossification secondaire et l’hématome périlésionnel. Le traitement est fonctionnel : une décharge pendant 3 semaines et antalgiques. La reprise sportive sera autorisée après 90 jours. Figure 1. Arrachement de l'épine iliaque antéro-inférieure (EIAI).   Les douleurs de la symphyse pubienne ou de la branche ischiatique (maladie de Mac Master) peuvent être très invalidantes lors des poussées de croissance. Elles sont fréquentes chez le jeune footballeur sous la forme de fessalgie irradiante vers les ischiojambiers ou de pubalgie récidivante. Le tableau clinique et radiologique standard (aspect moucheté et trame hétérogène, parfois décollement apophysaire) peut parfois orienter à tort vers une étiologie infectieuse ou tumorale, nécessitant une IRM et un bilan biologique complémentaire. Elles sont d’évolution rapidement favorables après arrêt des activités physiques ponctuelles (2 mois).   Le genou   • L’ostéochondrite du condy-le fémoral (maladie de Konig) (figure 2) est fréquente dans le milieu sportif juvénile, surtout chez le grand enfant. Le tableau clinique est sournois au début de la maladie. Il se manifeste par des gonalgies mécaniques lors de la pratique sportive évoluant en quelques mois vers des épisodes de douleurs localisées le plus souvent du condyle interne (80 %), des subsublocages de genou, ainsi qu’une boiterie d‘esquive. La bilatéralité est fréquente. Le mécanisme ischémique avec l’œdème osseux périlésionnel sont à l’origine de ces douleurs, surtout en zone portante. La symptomatologie dépend du siège, de l’étendue et du caractère stable ou pas de la lésion. L’évolution clinique et radiologique est très lentement progressive entre 2 à 3 ans. La radiographie standard montre une image géodique épiphysaire avec ou sans séquestre. L’IRM permet de déterminer le stade évolutif, la stabilité, l’étendue de la lésion et les signes de cicatrisation. Le traitement dépend de plusieurs facteurs. Avant l’âge de 12 ans, le pronostic de cicatrisation spontanée est bon, et sont recommandés : un arrêt des activités sportives pendant 1 ou 2 ans (sauf natation, vélo, renforcement musculaire), une décharge antalgique ponctuelle et rarement une immobilisation. Une surveillance radioclinique tous les 4 mois est préconisée. La présence d’un séquestre osseux instable ou libre justifie une intervention chirurgicale à type de perforation ostéochondrale associée à une fixation du fragment (si instable ou libre) sous arthroscopie. Dans les cas plus évolués, une autogreffe ostéochondrale en mosaïque est indiquée. Figure 2. Ostéochondrite disséquante du condyle fémoral.   • Le syndrome d’Osgood-Schlatter est une douleur enthésique du tendon patellaire au niveau du noyau d’ossification de la tubérosité tibiale antérieure. La gonalgie est mécanique et évoluant par poussées. Les sports de sauts, pivots, changement de direction, tels que le football, l’athlétisme, le tennis sont les plus pourvoyeurs chez l’adolescent entre 12 et 16 ans. L’examen clinique est suffisant pour confirmer le diagnostic. Les examens complémentaires (radiographie, écho, IRM) (figure 3) sont recommandés pour éliminer d’autres pathologies suspectes. L’activité sportive n’est pas contre-indiquée mais il est conseillé d’arrêter ponctuellement (minimum 2 semaines) en cas de poussée algique. La persistance de douleur avec un sub-blocage en fin de croissance devrait orienter vers une calcification intratendineuse justifiant une excision chirurgicale. Figure 3. Syndrome d'Osgood-Schlatter.  • Le syndrome de SindingLarsen ou apophysose de la pointe patellaire est une pathologie très fréquente dans le milieu du football. La physiopathologie tend vers des microtraumatismes répétitifs du noyau d’ossification du pôle inférieur de la rotule. L’aspect clinique est reproductible : une douleur élective du pôle inférieur de la rotule et proximal du tendon patellaire, une boiterie avec un flessum antalgique. La radiographie permet aisément de faire le diagnostic. Le repos sportif récurrent (2-3 semaines), une décharge antalgique et une attelle ponctuelle sont suffisants.   Le pied • L’apophysose du calcanéus (maladie de Sever) est fréquente entre l’âge de 8 à 12 ans. L’atteinte est le plus souvent bilatérale avec une prédominance du pied d’appui. Les contraintes mécaniques en traction par le tendon d’Achille à son enthèse et les impacts directs sur l’apophyse postérieure (réception des sauts) déclenchent des talalgies mécaniques à la marche. La boiterie d’esquive, la marche sur l’avant-pied et une impotence fonctionnelle sont les principaux signes cliniques. Ces symptômes évoluent par poussées aggravées par l’intensité sportive. La radiographie est préconisée pour éliminer d’autres étiologies (figure 4). Le traitement est fonctionnel : arrêt ponctuel sportif 15 jours, talonnettes ou semelles amortissantes, antalgiques. L’évolution est toujours favorable. Figure 4. Maladie de Sever.   • L’ostéochondrite du scaphoïde tarsien ou naviculaire (maladie de Köhler-Mouchet) est une entité plus rare. Présente chez l’enfant entre 4 et 9 ans, elle se manifeste par une douleur mécanique du bord interne du pied et de l’insertion du tendon jambier postérieur, une boiterie chronique après un effort sportif (danse, football). La radiographie montre un os moucheté, ostéocondensé ou fragmenté. Le diagnostic est aisé en l’absence de signes cliniques infectieux ou tumoraux. Le traitement est symptomatique : arrêt sportif et semelles orthopédiques de décharge de l’arche médiale. • L’ostéochondrite du talus dite LODA (lésion ostéochondrale du dôme astragalien) est une atteinte localisée ostéochondrale, dont la physiopathologie se rapproche de celle du genou. L’âge de prédilection est entre 12 et 15 ans. Elle siège au niveau du bord postéromédial. La douleur est reproductible à la palpation et à la mobilisation de la cheville. La radiographie standard met en évidence une image lacunaire avec ou sans séquestre sous chondral. L’IRM est l’examen de choix : la lésion est en hyposignal T1, hypersignal T2 à type de géode avec niche sous-chondrale (figure 5). Le traitement est fonctionnel ou chirurgical. L’arrêt sportif pendant 2 ans (sauf natation) est préconisé, avec un suivi régulier radioclinique. Le traitement chirurgical sera retenu en cas d’instabilité et de mauvaise évolutivité de la lésion. L’arthroscopie de la cheville a rendu cette thérapeutique moins invasive et les résultats sont globalement très bons chez l’enfant. Figure 5. Ostéochondrite du talus dite LODA (lésion ostéochondrale du dôme astragalien).   • La maladie d’Iselin à la base du 5e métatarsien et la maladie de Freiberg à la tête des métatarsiens sont rares. Les métatarsalgie d’hyperappui sont les principaux signes cliniques soulagés par la décharge antalgique (chaussures de Barouk, semelles orthopédiques) et l’arrêt des activités sportives contraintes. La chirurgie est rarement indiquée.   Le membre supérieur   Les ostéochondroses du coude peuvent toucher les noyaux épiphysaires externe, interne ou la tête radiale. La plus fréquente est la maladie de Panner ou ostéochondrite du capitellum. Elles surviennent dans trois activités sportives : tennis, gymnastique et lancer. Elle est due à des microtraumatismes répétés en hyperpression. La douleur d’un des compartiments du coude à la pression et à la mobilisation est constante, sans réelle limitation de la mobilité. Le flessum antalgique est fréquent. En cas de blocage, il faut suspecter un largage intra-articulaire de fragment ostéochondral. La radiographie et l’IRM sont suffisantes. Le traitement fonctionnel est indiqué, mais en cas de dépistage d’un fragment instable libre, un traitement chirurgical arthroscopique s’impose.   Le rachis La Maladie de Scheuermann correspond à un trouble de la croissance des plateaux vertébraux. Elle apparaît en général vers 11 ans chez la fille et 13 ans chez le garçon. L’hypercyphose thoracique ou lombaire raide et douloureuse et le tassement cunéiforme des vertèbres adjacentes à l’EOS en font le diagnostic (figure 6). La pratique des activités cyphosantes type vélo, aviron, haltérophilie, est prohibée. Il faut privilégier les activités renforçant la ceinture abdominale, les muscles extenseurs du rachis et assouplissantes, les ischiojambiers. Le corset anticyphose et la rééducation peuvent être indiqués. Le traitement chirurgical est préconisé pour les formes sévères. Figure 6. Maladie de Scheuermann vertébrale pré- et postopératoire.   La spondylolyse lombaire est fréquente, souvent de découverte fortuite ou suite à des lombalgies aiguës. Le glissement vertébral ou spondylolisthésis n’est pas constant. L’EOS et TDM confirment le diagnostic. Un glissement de bas grade ne contre-indique pas la pratique sportive, sauf pour l’équitation et le haut grade impose un traitement chirurgical permettant une reprise sportive sans aucune restriction.   Les fractures de fatigue   Plus fréquentes entre 11 et 13 ans chez des enfants très sportifs de hauts niveaux depuis plusieurs années. La sursollicitation osseuse entraîne des microfissures non visibles à la radiographie au stade précoce. La douleur invalidante contraint l’arrêt prolongé sportif. Les membres inférieurs sont le plus souvent atteints. La scintigraphie osseuse, l’IRM confirment le diagnostic. Un simple repos physique permet la guérison totale.   Conclusion   Les pathologies osseuses du jeune sportif imposent un encadrement rigoureux et un arrêt total ponctuel lors des phases douloureuses. La pratique sportive régulière reste néanmoins fondamentale chez les enfants. Pour en savoir plus : • Launay F, Jouve JL. Monographie de la Société française d’orthopédie pédiatrique. Marseille, Sauramps Médical 2021. • Bull Acad Natle Med 2010, 194(7) : 1249-67. • Brenner JS. Overuse injuries, overtraining, and burnout in child and adolescent athletes. Pediatrics 2007 ; 119(6) : 1242-5. • Cassas KJ, Cassettari-Wayhs A. Childhood and adolescent sports related overuse injuries. Am Fam Physician 2006 ; 73(6) : 1014-22. • Gicquel P. Le pied de l’enfant sportif. Monographies de la Société française d’orthopédie pédiatrique. Montpellier, Sauramps Médical 2014 ; p. 321-9.

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